Ce matin, j’ai pas vraiment le moral et j’ai du mal à retenir mes larmes. Pas seulement à cause du résultat des élections américaines mais d’un tout. Comme un trop plein de cet individualisme collectif qui semble se répandre chaque jour un peu plus.
Ce matin, comme tous les matins, j’ai pris les transports en commun. J’ai relativement de la chance : comme je suis en début de ligne, j’ai toujours une place assise. Ce qui est appréciable quand on a 40 min de trajet dans un train qui se remplit à vitesse grand V ! Quelques stations plus tard, une femme enceinte est montée. Je ne l’ai pas repérée tout de suite. Je lisais sur mon smartphone un article sur le nouveau dispositif d’accueil des migrants Porte de la Chapelle (et je me désespérais devant les commentaires à gerber des gens, qui me mettaient tous un état de profond malaise). Puis je l’ai vue. Il n’y avait déjà plus aucune place assise alors je lui ai proposé la mienne. Je me suis donc retrouvée dans le couloir du train, il restait encore 15 bonnes minutes de trajets et je savais d’avance que ce ne seraient pas les plus agréables car on approchait des stations « critiques ». Celles où tu as l’impression qu’il y a autant de monde qui attend sur le quai que de personnes déjà dans le train.
Bref, je suis donc dans le couloir, le train s’arrête, les gens montent, il n’y a plus assez de place. Comme tous les jours, quelqu’un demande si les personnes peuvent s’avancer dans les allées. Pour ma part, impossible, je suis déjà collée à une femme à ma gauche. Mais à ma droite, du côté des portes, il y a bien 1 mètre d’écart entre moi et cette deuxième femme. Je la regarde avec insistance, comme pour l’inviter à s’avancer dans l’allée. Elle ne bouge pas d’un poil. La dame derrière moi lui propose donc d’avancer puisqu’il y a de place. Ce à quoi elle répond avec agressivité, que non, elle a besoin de se tenir alors elle ne va pas aller au milieu du couloir (où effectivement, il n’y a pas tellement d’accroche). Elle n’a pas bougé. J’aurais pu lui répondre que j’y étais bien moi, au milieu du couloir, et qu’il me suffisait juste de tendre le bras pour me tenir, que certes la position est plutôt inconfortable mais moins que les gens entassés dans le sas ou que ceux qui devront rester sur le quai et attendre le prochain train. Mais je n’ai rien dit. Un monsieur a fini par se faufiler derrière elle pour se glisser entre nous, libérant ainsi un peu d’espace. J’ai serré les dents pour ne pas pleurer.
Ce matin, je me suis pris en pleine face, avec violence, cet individualisme qui caractérise tant notre société, mais dans lequel je ne me reconnais pas. Une scène banale, comme je peux en vivre tous les jours. Une scène habituelle qui, trop lasse, m’indiffère parfois, mais m’énerve le plus souvent. Sauf qu’aujourd’hui, ma colère n’était pas disponible. Aucun mécanisme de défense n’est venu à mon secours. J’étais complètement désarmée. Et je me suis demandé si j’avais vraiment envie que mes filles vivent dans ce monde. Est-ce que tout ça vaut vraiment la peine de faire des enfants ? (Questions purement rhétorique). J’ai serré les dents jusqu’à la fin, au point d’en avoir mal à la mâchoire en arrivant.
Puis, au moment de descendre du train, j’ai croisé le regard de la femme enceinte à qui j’avais laissé ma place. Elle m’a souri, m’a remercié de nouveau. Et tout s’est éclairé. C’est dans CE monde là que j’ai envie de vivre. Que j’ai envie que mes enfants vivent. J’étais au fond du trou et il a fallu un regard, un mot gentil, un simple merci pour faire renaître en moi l’espoir. J’ai de nouveau serré les dents pour empêcher mes larmes de couler et me suis précipitée vers la sortie en me rappelant qu’au réveil encore, je m’étais levée avec des idées pleins la tête, une envie de changer le monde. Et je me dis que finalement tout n’est peut-être pas perdu.
Gros gros câlin toi!
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Très beau récit.
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